Norme et déviance
Norme et Déviance
Socialisation et déviance
La superposition des formes de socialisation rencontrées dans les différentes sphères d’activité donne lieu à des dérapages
- parce que les différentes sphères d’activité à l’intérieur desquelles nous désirons nous intégrer sont parfois difficilement ajustables.
- Parce que les individus ne sont pas toujours reconnus par le groupe à l’intérieur duquel il désire s’intégrer.
Les situations de désajustement trouvent leur sens dans le rapport à la norme relative aux comportements attendus.
Ce qui n’est pas dans la norme peut être défini comme « déviant ».
Qu’est-ce que la déviance ?
Elle est le produit d’une transaction effectuée entre un groupe social et un individu qui, aux yeux du groupe, a transgressé une norme. La déviance n’est donc pas une qualité de l’acte commis par une personne, mais plutôt la conséquence de l’application par les autres de normes et de sanctions à celui qui ne connaît pas les règles (ne peut appliquer les normes) de conduites ou les transgressent ( ne les a pas appliquées). Dans les 2 cas, l’individu est mis à l’écart du groupe, voire rejeté, ou encore peut être mis en position de « bouc émissaire ».
Il existe 2 types de déviance :
- La déviance primaire : elle est primaire dans la mesure où elle est rationalisée en tant que fonction d’un rôle social acceptable.
- La déviance secondaire : lorsque les actes déviants deviennent répétitifs et visibles et que les nouveaux comportements sont intériorisés par l’individu comme une part de soi. Les anciens rôles sont désorganisés et de nouveaux rôles se construisent. Cette reconstruction conduit à l’intégration du rôle déviant. Des preuves objectives du changement apparaissent (manière de s’habiller, de parler, de penser, …attitudes gestuelles…) renforçant la lisibilité sociale. Le déviant est alors stigmatisé comme tel. L’individu peut alors utiliser son rôle comme moyen de défense, d’attaque ou d’ajustement face aux problèmes que crée la réaction sociale.
Il se classe alors comme marginal dans la société.
La déviance est donc fonction d’une certaine définition de la conformité.
Ces infractions dont la réparation ne se décide bien souvent pas devant les tribunaux, remettent en cause l’ordre public et la cohésion sociale de façon tout aussi menaçante.
Ainsi, il s’agit de revenir un principe d’explication de SHAW et Mac KAY : « une société se maintient grâce à la contrainte qu’exercent l’ensemble des instances (famille, école, justice, police…) dont la mission est de reconduire l’ordre social en sanctionnant les inconduites.
La situation de conformité définit par opposition celle de la transgression.
Or, un acte ne devient l’objet d’une transgression qu’à partir du moment où il fait l’objet d’une désignation.
La désignation ou le jugement de déviance
Théorie de la désignation :
- premières déviations
- punitions sociales
- nouvelles déviations = déviance primaire
- punition sociale plus forte
- sentiment de rejet
- déviations accentuées accompagnées d’hostilité et de ressentiment à l’égard des punisseurs
- situation de crise, le point de rupture de la tolérance est atteint et l’entourage stigmatise le déviant
- renforcement du déviant dans son comportement en réaction à la stigmatisation
- finalement le déviant s’accepte dans son rôle de déviant et s’ajuste (déviance secondaire), il devient le mauvais garçon. Il se classe comme marginal dans la société.
Ainsi, le caractère délictueux d’un acte se définit dans l’activité au cours de laquelle un individu fait l’objet d’une désignation. Le principe de l’infraction est donc à rechercher :
- ni dans l’intériorité de sa personnalité
- ni dans son statut social d’appartenance
Le caractère déviant ou non d’un acte dépend de la manière dont les autres réagissent. Vous pouvez commettre un inceste tant que personne ne porte une accusation publique vous ne serez pas considéré comme déviant. Si cette accusation est portée alors vous serez conduit à vous justifier.
O. BECKER propose une typologie
|
Obéissant à la norme |
Transgressant la norme |
Perçu comme déviant |
Accusé à tort |
Pleinement déviant |
Non perçu comme déviant |
conforme |
Secrètement déviant |
Au cœur du mécanisme se trouve donc le processus d’étiquetage.
Processus au cours duquel on voit la société :
- d’une part : créer le délinquant en le labellisant et
- d’autre part forger sa propre unité en manifestant, par le rejet des déviants, son adhésion à un système normatif.
Ainsi, pour être qualifié de délinquant, il suffit d’avoir commis un seul délit : le terme n’implique rien d’autre. Le mot implique cependant un certain nombre de connotations qui attribuent à tout ceux qui reçoivent cette étiquette des caractéristiques accessoires.
C’est ainsi, qu’un jeune qui a commis des infractions à la règle va être considéré comme quelqu’un qui va commettre d’autres délits puisqu’il s’est révélé être une personne qui ne respecte pas la règle. Ainsi, une personne qui a pu être appréhendée pour un seul acte déviant, court le risque d’être considérée comme déviante sous d’autres rapports.
Ainsi, O. BECKER parle de « carrière déviante »
A partir des caractères des zones urbaines, il produit le schéma type d’une carrière délinquante :
- milieu déstructuré, faibles ressources scolaires, aucune perspective d’insertion professionnelle, forte densité d’expériences négatives d’insertion dans l’environnement immédiat.
- Identification à un groupe marginal et assimilation progressive de ses normes (perte des normes anciennes).
- Franchissement gradué des étapes qui vont de l’acte déviant isolé aux actes répétés (étape correspondant à des rites initiatiques qui attachent, par la force symbolique du rituel) le jeune au réseau délinquant.
- Renforcement de l’étiquetage-stigmatisation
- Apprentissage des techniques délinquantes
- Condamnations pour de petits délits et prestige liés à ces condamnations.
- Enfermement dans l’identité délinquante, après le passage par la prison, milieu de socialisation pour l’apprenti délinquant (élargissement du réseau, intériorisation des normes comportementales internes et notamment de la violence…
- Intensification du marquage social qui éloigne de l’emploi excepté lorsqu’il s’agit de mobiliser les associations de réinsertion
- Condamnations aggravées dés qu’il y a récidive.
E. GOFFMAN décrit à ce titre, la prison comme « institution totalitaire » : un lieu de résidence où un grand nombre d’individus, placés dans la même situation, coupés du monde extérieur pour une période relativement longue, mènent ensemble une vie recluse dont les modalités sont explicitement et minutieusement réglées.
Conclusion :
Lorsque O. BECKER tente de résumer les mécanismes sous-jacents à la déviance, il propose 4 principes d’explication :
- La déviance est une qualité attribuée à un acte par un jugement. Ici, le principe de l’infraction est à rechercher dans l’exercice du jugement.
- La déviance est une activité collective au cours de laquelle un individu apprend à tenir un rôle. Ici, le principe de l’infraction est à rechercher dans les appartenances socio-culturelles et les règles de construction.
- Devenir un déviant est un processus qui peut s’apparenter à un engagement dans une carrière. Ici, le principe de l’infraction est à rechercher dans une construction identitaire.
- Les critères qui servent à formuler un jugement sont parfois inventés par des entrepreneurs moraux, CAD des individus dont la position au sein de la société leur permet de participer à l’élaboration des normes, autrement dit à la définition de la normalité et aux opérations qui contribuent à la faire respecter. Ici, le principe de l’infraction est à rechercher dans l’institutionnalisation des règles de conduite.
Quelle que soi la manière dont on aborde la déviance, elle est la conséquence d’une réaction sociale.
Réaction sociale et stigmate
Goffman distingue en chaque individu un acteur et un personnage : l’acteur est celui qui se met en scène quotidiennement pour devenir un personnage ; c’est-à-dire l’image qu’il veut que les autres de fassent de lui-même.
En quelque sorte :
L’acteur est l’expression
Le personnage est l’impression
Ainsi, tout individu est doté de 2 formes identitaires :
- l’identité réelle : les éléments et caractéristiques dont on peut considérer qu’ils sont les réelles propriétés de l’individu.(Expression de l’acteur)
- l’identité virtuelle : celle qu’autrui attribue à l’individu sur la base de son apparence (Impression du personnage)
Du décalage entre ces 2 formes identitaires peut naître le stigmate.
Tout attribu personnel dont la présence suscite dans l’esprit de celui qui le relève un doute à propos de l’adéquation entre ces 2 identités devient un stigmate.
Définition du stigmate :
Une différence fâcheuse d’avec ce à quoi nous nous attendions. Il s’agit d’un individu qui aurait pu aisément se faire admettre dans le cercle des rapports sociaux ordinaires ; mais possède une caractéristique telle qu’elle peut s’imposer à l’attention de ceux d’entre nous qui le rencontrons, et nous détourner de lui, détruisant ainsi les droits qu’il a vis-à-vis de nous du fait de ses autres attributs.
Ces différences fâcheuses, il y en a de 2 sortes :
- visibles (elles ne peuvent être dissimulées, l’individu peut chercher à les mettre en avant)
- non visibles (sont dissimulables, l’individu peut chercher à les cacher)
- Les individus qui possèdent un stigmate visible sont des êtres discrédités.
- Les individus qui possèdent un stigmate non visible sont des êtres discréditables.
-
Chacun d’entre nous se range dans l’une ou l’autre de ces catégories.
Toutefois, posséder un stigmate n’est pas une condition suffisante pour produire un déviant : c’est le type de rapport dans le quel est pris le stigmatisé qui peut conduire à ce qu’il soit appréhendé comme tel.
Goffman sépare donc 2 moments distincts du processus de désignation :
- le fait d’avoir un attribut qui porte à être discrédité ou discréditable
- le jugement porté sur cet attribut qui conduit, éventuellement l’individu à être désigné comme déviant.
C’est donc le second moment qui est déterminant.
Conclusion :
- il n’existe donc pas de déviant, mais seulement des individus placés en situation de posséder un stigmate plus ou moins visibles.
- Le normal et le stigmatisé ne sont pas des personnes mais des points de vue. Ces points de vue sont socialement produits lors des contacts mixtes, en vertus des normes insatisfaites qui influent sur la rencontre.
La question du désappariement temporaire
La phase de normalisation par l’inculcation des pratiques ou la construction des interactions peut faire l’objet d’un désappariement temporaire.
Comment se met en œuvre le désappariement temporaire ?
L’ensemble des institutions favorise l’apprentissage des codes culturels collectifs. Cependant, l’individu a d’autres aspirations que celui de la reproduction. Il a des aspirations plus individuelles à force de contacts avec l’extérieur.
D’autre part les contacts avec l’extérieur peuvent engendrer une transformation des aspirations individuelles allant vers un risque de désorganisation.
Ce risque de désorganisation pose les risques d’une non-conformité sociale.
La désorganisation ne serait donc que le résultat d’un changement social, d’un décalage où les individus sont pris dans des systèmes de valeurs concurrents.
Cette désorganisation pourrait être le résultat de l’introduction de valeurs nouvelles par le jeune (valeurs nouvelles considérées comme non conforme par la famille).
Ainsi, certains sociologues s’appuient sur cette réflexion pour préciser que la déviance serait une voie dans laquelle s’engagent ceux qui constatent que les valeurs, les conduites imposées par leur groupe primaire sont en contradiction avec celles de la société globale.
Ce contre temps favoriserait un effacement des repères normatifs que l’individu ne respecte plus et dont il s’écarte.
Rébellion + \ - + \ - (élaboration d’une contre légitimité)
Remarque : dans la situation où les buts et les moyens s’inscrivent dans un écart à la conformité, la tension qui naît peut également créer une situation d’anomie sociale « d’absence de normes ». Cette absence de normes amène étiolement du processus d’intégration sociale.
Les changements produisent ainsi des dérèglements et engendrent des souffrances individuelles.
…………………
Lorsqu’on parle de désappariement temporaire cela signifie qu’il ne s’agit que de période au cours desquels la personne abandonne d’anciennes attitudes, d’anciennes conduites…
Des conduites nouvelles vont devoir se mettre en œuvre, faire l’objet d’ajustement afin qu’elles puissent être adoptées :
Il s’agit ainsi du passage d’un mode de référence à l’autre comme condition normale de l’être humain.
Les sous cultures déviantes
La sous culture délinquante
Selon COHEN la sous culture déviante propre aux bandes de jeunes présente 3 caractéristiques essentielles :
- Elle est non utilitaire (il n’ y a pas forcément d’objectifs instrumental, autrement dit on ne vole pas forcément un objet pour jouir de cet objet autrement inaccessible).
- Elle est malintentionnée (les infractions sont commises par pour défi)
- Elle est négative (les conduites obéissent à des principes opposées aux normes établies).
Ainsi, la sous-culture délinquante se définit par sa polarité négative vis-à-vis des normes établies.
Cependant, la conduite du délinquant est « normale » au regard des principes de sa sous-culture, précisément parce qu’elle est anormale du pont de vue de la société globale.
Cohen détermine 3 propriétés dans les attitudes qui relèvent de la sous culture déviante :
- La versatilité des objets de délit (l’infraction est recherchée pour elle-même)
- La valorisation d’un hédonisme immédiat (pas de perspective sur le LT)
- L’autonomie du groupe (la participation de chaque jeune à une bande confère à chacun de ses membres un sentiment d’appartenance qui peut intégralement annuler ce qu’ils doivent aux autres institutions sociales).
Question : Comment expliquer que les caractéristiques et les propriétés de cette sous-culture soient plutôt l’apanage des jeunes défavorisés ?
La délinquance juvénile dans les quartiers défavorisés peut s’expliquer par le fait que les jeunes sont pris dans 2 registres de prescriptions :
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